élections

L’Associated Press a publié le résultat des élections. En voici les détails, plus quelques calculs que j’ai faits pour voir si certains états qui ont choisi Biden l’ont fait de gaîté de cœur. Les chiffres:

  1. Vote populaire (plurality) très clair pour la présidence: 75 215 431M (50.6%) pour Biden, 70 812 515M (47.7%) pour Trump. Différence: 4 402 916 voix sur 146M. Le dépouillement n’est pas terminé et les recomptages seront à prendre en considération également. Je cite ici les résulats donnés par la AP à 10h00 PST.
  2. Traduction de ces résultats en tranches du collège électoral: 290 électeurs pour Biden, 214 pour Trump. Le total est de 538, la majorité absolue 270.
  3. Pour les états qui étaient en ballotage, les chiffres sont:
    État grands électeurs Marge (Biden) total votes Commentaire
    Michigan 16 146 123 5,4M net avantage
    Wisconsin 10 20 540 3,24M de justesse
    Georgia 16 10 195 4,9M très juste
    Arizona 11 18 610 3,2M juste
    Pennsylvania 20 41 223 6,6M assez juste
  4. La Floride, le Texas, la Caroline du Sud, le Iowa, étaient clairement pour Trump.
  5. Pour le sénat, pas de tsunami bleu démocrate mais une tension paralysante au contraire: 46 démocrates, 2 indépendants (qui vont avoir beaucoup de pouvoir, pratiquement), deux sièges en Géorgie qui seront disputés en janvier, contre 50 républicains (dont 2 sont en voie d’être confirmés en Caroline du Nord et en Alaska). Même si deux démocrates y sont élus, aucun grand dossier ne pourra être passé à la majorité sans faire appel au vote de la vice-présidente. Les tensions seront très fortes dès la mise en place du nouveau gouvernement.

Résultats, de mon point de vue: les contrepoids constitutionnels du collège électoral et du sénat continuent à jouer leur rôle de base, soixante-quinze ans après la seconde guerre mondiale. Ce rôle est de protéger les institutions de la république mais aussi d’assurer que l’accumulation de richesse profite davantage à une large minorité—certes capable et méritante—mais souvent héritière de culture et de pouvoir. L’existence du collège électoral et le choix de deux sénateurs par état—que ce soit l’Alaska (pop.: 731 000) ou la Californie (pop.: 39,5M)—constituent des choix fondamentaux. Rien de solide ne peut se faire sans le sénat, par exemple, alors que plus de 40M de citoyens n’y sont pas représentés. Cela s’ajoute à la sur-représentation de la droite conservatrice dans une majorité des états (gouverneurs, sénats, et chambres des députés). Cette sur-représentation est le fruit de divisions politiques que le parti républicain a encouragées depuis au moins Nixon, disons les années soixante-dix. La guerre culturelle et morale (religion et avortement), ainsi que l’immigration et le racisme larvé, ont servi de couverture à des progremmes anti-sociaux beaucoup plus coûteux pour la société et particulièrement pour ceux qui votent à droite: baisse des impôts sur les bénéfices et augmentation des inégalités, politique de sécurité intérieure et étrangère très conservatrice, restrictions budgétaires avec pour but la destruction de la sécurité sociale (pensions) et Medicare/Medicaid, impossibilité de montage d’un programme de santé universel.

Étant donné la structure de la république américaine et les divisions économiques, sociales, culturelles, et morales qui existent, que peuvent Biden, la chambre démocrate, et un sénat divisé?

Pensons donc au possible, rêvons. Heureusement, certains éléments de la conjoncture sont favorables. Les trésors publics peuvent emprunter des sommes énormes à coût très bas. Du moins c’est ce qu’on nous dit. Donc Biden pourrait bien financer à la fois les victimes de la pandémie et son programme d’industrialisation climatologique et de création d’emplois. Le GOP prendrait peut-être ce tournant avec lui. Peut-être aussi un effort réel sur les lois sociales (congé de maternité ou paternité, congé maladie, et surtout le relèvement urgent du salaire minimum): j’en doute fort, quand on voit que l’idéologie mensongère du “contractant libre” continue de faire des ravages en Californie (Je pense à Uber et la proposition de loi 22 qui a passé facilement). Quant à un programme de santé universelle, ou du moins avec une option publique, je lui vois peu de chances maintenant, surtout que Biden a souvent cherché le milieu introuvable et montré qu’il ne voulait pas s’opposer aux grandes compagnies d’assurances ou de financement. Régulation des banques de dépôt et de la grande banque d’investissement? Je n’y crois pas trop non plus, bien qu’il puisse y avoir éventuellement une ou des commissions d’études… Retour sur la loi d’imposition votée en 2017 (Tax Law and Jobs Act) et désavantageuse à long terme pour la grande majorité des Américains? Je n’y crois pas non plus, l’opposition sera trop forte. Quant à la politique étrangère, du positif: soutien de l’OTAN, réintégration à la World Health Organization, re-signature pour l’accord de Paris sur le climat, peut-être aussi la reprise des négotiations sur le traité du Pacifique (stratégie de “containment” de la Chine, si ce n’est pas trop tard). Quant à l’Iran, espérons que Biden sera fidèle au projet d’Obama, mais je pense que l’opposition d’Israël et des deux partis sera très forte. Biden lui-même s’est réjoui de voir les “traités” passés entre les émirats et Israël, et n’a pas dit un mot, que je sache, sur l’abandon des Palestiniens ou sur l’absence totale de contreparties…