humanisme

Les lignes suivantes sont tirées de mon journal de 2007.

A la lecture de quelques textes réfléchissant aux humanités ou plus exactement à ce phénomène américain qu’est le “post-humanisme”, je découvre sur la toile la liste faite par Manuela Rossini de quatre éléments de base de ce post-humanisme de cauchemar:

(1) “Life” does not inevitably depend on being embodied in a biological substrate; i.e. information triumphs over materiality; (2) (self-)consciousness is a relatively recent phenomenon in the evolutionary history of humankind and quite insignificant with regard to human nature and identity; (3) the human body is a prosthesis and can thus be extended and its parts replaced ad infinitum; (4) intelligent machines are the “natural” descendants of homo sapiens.

Quant au 1, il est facile de remarquer qu’une information n’est pas une connaissance. Veut-on réduire ce qu’on a cru être jusqu’ici les conditions d’une connaissance aux conditions d’existence et de flux d’une information sans sujet? Dans cette version de la supériorité du logiciel sur le matériel, on en est encore à la division esprit-corps. Aucun progrès depuis Descartes et plutôt une régression. Basta. Il y aurait aussi un post-humanisme critique ou un méta-post-humanisme. Le vocabulaire lui-même indique dans quel brouillard le projet se meut: critique dans les soubassements des Lumières, sans retour possible à Hegel, mais aussi avec le droit inné à reprendre à nouveaux frais la critique des anciens textes tels que Paul, les évangiles, la Bible, en faisant l’impasse sur quelques siècles de travail. On peut se demander ce que ça donnera.

Il y aurait impossibilité du retour à l’Aufklärung à cause de sa division en espèces, son autoritarisme, etc. Impossibilité aussi du retour à une dichotomie sujet/monde. La solution selon Derrida, Wolfe, Latour (j’imagine?), Haraway, etc., serait de se transformer en membranes, en passages de corps à corps. Mais ceci n’est-il pas une sorte d’incarnation sans respiration, une répétition à l’infini de systèmes d’information qui me paraît être en contradiction avec le fait qu’on tire sa subsistence sinon sa substance de nos salaires, pensions, retraites? Se faire pèlerin—donc décentré—, se dématérialiser pour se faire tout aux autres, sans limite préconçue, puisque la limite ou le sujet vivent dans l’abandon de tout ce qui était illusion de sujet, tout ceci est très ancien. Rossini soutient que dans ce néo-matérialisme,

they [human and non-human bodies] constitute each other through relationality and dynamic interactions.

Il ne se présenterait que du corps et des relations, sans création. Adieu l’ontologie, vive le devenir. Encore une petite note sur la place donnée à la sexualité dans ces réflexions: la jouissance est proposée comme antidote à une société néo-libérale capitaliste qui serait contre la sexualité et pour la reproduction mécanisée, y compris pour l’hétérosexualité. Mais le plaisir n’est-il pas justement l’une des bases de cette société? Investisseurs capitalistes et critiques radicaux paraissent d’accord. D’après ses pratiques financières, la société néo-libérale est contre l’engagement parental, le temps dépensé sans compter auprès des enfants par les mères, pères, éducateurs, etc. Ce temps passé à élever ou à soutenir est bien plus long que celui exigé pour la sexualité. Celle-ci est comptabilisable—du moins d’après les publicités—, alors que le temps donné par exemple aux enfants ne l’est pas: il ne se compte pas, du moins pas encore.