Almar Street

Un éventail d’eucalyptus géants essuie le ciel
Au-dessus de pins de Monterey austères et têtus.
De longues écorces pelées par la pluie et le vent
Jonchent le macadam huilé.
Les cables de téléphone et d’électricité ne sifflent pas.
Pas de longues fougères tassées en pelisse mais des buis, des troènes, ou d’épais cactus incongrus incapables du moindre son.
De grandes vagues désordonnées déferlent sans cesse et attaquent les grès de la côte.
L’écume s’accumule dans les recoins d’anses, bouillonne,
s’envole en paquets cotonneux qui couvrent la route.
De petits oiseaux noirs nagent dans les rouleaux,
vifs, flottant sur les plus grosses vagues ou plongeant prestement dans les eaux glauques, à la recherche de crabes désarçonnés.
Les cormorans attendent de meilleurs jours et les pélicans prennent refuge jusqu’au milieu des touristes sur la jetée.
Seules les mouettes se laissent aller sereines sans un battement d’aile le long de colonnes d’air invisibles.
Humains engoncés dans leurs anoraks, fanas du jogging, leurs rangs clairsemés…
Je souhaite l’événement: de grands rugissants qui arracheraient des pans entiers de la côte, en feraient de longues plages ondulées et me nettoieraient l’âme.
On revient à la maison toute verte d’ocellus, la vieille ferme-cabane, abri d’amours barrées à l’infini.
Les grattements de violons, les soulagements du violoncelle, la fière amertume de la clarinette, les craquements du feu de bois en offertoire, le grondement de l’océan apaisé par la distance, l’odeur des chanterelles rôties, les algues dans la soupe “hot and sour”, épaississent notre navigation dans le temps, ce trente et un décembre 1996.