Garbini on Israel

Je relis un livre fascinant de G. Garbini, History and Ideology in Ancient Israel (1987) dans lequel il dénonce très justement à mon goût l’emprise de la théologie sur l’historiographie moderne quelle qu’elle soit quand il s’agit de la Bible. Ici ou là, je remarque cependant plusieurs mots ou phrases qui n’ont pas raison d’être: “Jewish scholars…”: pourquoi pas “scholars” tout court? Les savants juifs n’ont-ils pas été à la pointe de la critique historique pour ce qui est de la Bible, en commençant par Spinoza? La rédaction finale de la Bible n’a pu se faire que très tard—après l’exil, et même beaucoup plus tard—, et les premiers documents de type annales qui s’attachent à décrire les événements du début du premier millénaire font déjà une réinterprétation et un choix dictés par les besoins politiques de la maison royale. On ne peut donc leur faire confiance comme le voudraient la grande majorité des historiens spécialistes de la période. C’est dans le creuset de l’exil qu’Israël a réinterprété son “histoire”, ou plutôt se l’est constituée (se l’est inventée, comme le dit d’autre manière Mario Liverani dans son Israel’s history and the history of Israel, 2005), réemployant par exemple le mythe babylonien de création, sous sa forme très tardive, comme point de départ de sa propre histoire…. etc…. L’extraordinaire à mes yeux est à quel point les Hébreux, d’Israël et de Judée (mais ce sont déjà les Juifs, constitués comme tels déjà sous les Perses et plus encore sous les Grecs) ont développé les traits monothéistes de leur religion. On sera alors tenté d’en attribuer l’origine aux influences perses, et de diminuer l’importance des prophètes. N’est-ce pas E. Meyer qui proposait déjà cela il y a plus d’un siècle? Que fait Garbini des prophètes du VIIIe s.? Réponse: il ne les élimine pas, admet que le mouvement vers le monothéisme, un hénothéisme d’abord, a été commencé en partie par eux… Il est curieusement peu critique quand il s’agit de la littérature prophétique.